/dʌv/ [dove]

Lauréat, en 2021, du programme Mondes Nouveaux, l’artiste français Loris Gréaud a conçu pour le Domaine de Frapotel une œuvre pérenne, /dʌv/.

« Nous avions, l’un et l’autre, le désir d’ouvrir le Domaine de Frapotel à la création contemporaine. Ce projet a permis la rencontre entre la radicalité de cet endroit et la puissance de l’œuvre de Loris Gréaud. »

Gaëlle Lauriot-Prévost et Dominique Perrault

« Dans l’appendice invisible à l’horizon de cet ensemble architectural, une cellule isolée accueille un monument sous-terrain. Le monument d’un anthropocène. On y pénètre par une porte dérobée et dans la pénombre se dessine une sépulture : une dalle funéraire en basalte qui laisse entrevoir en deçà une colombe naturalisée qui y repose.

L’histoire de la terre et l’histoire de l’espèce humaine ont aujourd’hui convergé. Cette collision de deux histoires marque une véritable rupture dans la relation qui unit les hommes à la terre. Pour la première fois, ce sont en effet ses habitants qui sont les principaux moteurs des changements qui l’affectent. Les désordres générés par les effets de l’activité humaine ont des conséquences multiples : climat, sécurité alimentaire, accès aux ressources vitales, migrations forcées et soudaines, précarité énergétique… Les dernières années ont contribué à l’accélération de l’accélération précipitant notre monde dans le chaos.

À la lumière de ce bouleversement géologique et social, la mise en bière d’une colombe — un symbole universel de paix et d’apaisement — son espace de recueillement, la tombe pour son repos éternel, deviendraient immanquablement le site d’un moment ultra-contemporain. Une approche non pas pessimiste ni triste mais, au contraire, poétique et objective des hommes qui se regardent à l’heure de l’anthropocène.

Il est ainsi possible de s’y recueillir, d’écouter les astres entrer en résonance… rêver, dériver et entrevoir d’autres possibles. »

Loris Gréaud

Biographie de Loris Gréaud

Depuis le début des années 2000, Loris Gréaud déploie une trajectoire atypique sur la scène internationale de la création contemporaine. Il produit des environnements uniques, qui ont souvent recourt à des éléments perturbateurs et suivent le fil d’une narration ambiguë qui tend à abolir la frontière entre fiction et réalité. Rumeurs, poésie, virus, architecture et démolition, académisme et auto-négation sont ainsi régulièrement convoqués dans son travail qui s’efforce de réunir sur une seule et même surface les espaces physique et mental. 

Quelques expositions

2020 -The Underground Sculpture Park, Fondation Casa Wabi (MX)
2019 - The Original, The Translation, Bibliothèque Kandinsky / Centre Pompidou (FR)
2019 -
Sculpt: Grumpy Bear, the Great Spinoff, Tel Aviv Museum of Art (IL)
2017 - The Unplayed Notes Factory, 57e Biennale de Venise (IT)
2016 - Sculpt, LACMA, Los Angeles (US)
2015 - The Unplayed Notes Museum, Dallas Contemporary (US)
2013 - [I], Musée du Louvre (FR), Centre Pompidou (FR)
2008 - Cellar Door, Palais de Tokyo (FR), ICA London (UK), Conservera de Murcia (ES), Kunsthalle Santkt Gallen (CH), Kunsthalle Wien (AT)

À propos de la bande-son originale — Orion, Soundtrack for an underground monument

Orion est une constellation immédiatement reconnaissable par sa forme très caractéristique. Ses sept étoiles les plus brillantes dessinent une sorte de nœud-papillon — mais la plupart y voient aussi un sablier dans lequel s’écoule le temps. Orion c’est la collision de deux formes indépendantes : un rectangle formé par 4 étoiles, traversé par l’alignement de trois autres — celles que l’on appelle la ceinture d’Orion. On dit de ces trois astres en ligne parfaite qu’ils sont les « trois rois », les « trois mages ». Visible depuis les deux hémisphères, Orion a toujours fasciné les artistes et les créateurs : Philippe Glass, Le Corbusier…

Alors qu’il étudiait et développait l’œuvre /dʌv/, Loris Gréaud s’est attardé sur cette image du trio céleste, les trois astres. En effet, depuis des millénaires, nous percevons la lumière d’étoiles qui sont pourtant déjà éteintes, « refroidies ». L’archétype par excellence de la survivance, du fantôme. Pour l’œuvre /dʌv/, l’idée s’est naturellement imposée à l’artiste : tenter de modéliser dans son studio d’enregistrement l’enveloppe sonore de chacun de ces astres. Trois esprits, trois visions.

L’œuvre prend la forme d’un enregistrement sonore de 6:05 min, pendant lesquelles, l’artiste en temps réel, tente d’harmoniser les fréquences de ces corps afin d’obtenir une résonance singulière. Un alignement d’étoiles providentiel… une bande-son originale pour un monument souterrain — le repos éternel d’un symbole universel.